Une mosaïque sur la pierre d'hier et d'aujourd'hui
Ah, malheureuse guerre ! Ah, diable de Napoléon ! La grande faucheuse a décidément choisi son camp. Ce 12 août 1870, je suis tombé sur le champ de bataille sans avoir vu achevée la garçonnière de mes rêves, qui devait se muer en demeure du bon repos, une fois ma vigueur définitivement enterrée.
Cinq ans plus tôt est ainsi né le château de sa seigneurie, en pleine forêt enchanteresse, sur les terres de mes illustres aïeux. Si je dois à leurs prouesses matrimoniales mon aisance financière, seule ma ténacité intellectuelle explique ma verve légendaire voire même une certaine virtuosité littéraire. Enfin, pas exactement. Je suis tenu d’avouer – une fois n’est pas coutume, pour un avocat ! – l’autre noble origine de mes bons mots mais aussi de cette demeure : Mme B.-W., dont je tais le nom tant son souvenir est encore piquant. À l’image de toutes ces ronces et épines qui transpercent désormais mon château de la Renaissance.
Le propre, d’ailleurs, d’une renaissance est de marquer un pas vers l’avenir, sans véritablement se défaire du passé. Poursuivant mes inspirations médiévales, j’ai ainsi doté cette modeste forteresse de tours, agrémentées de mâchicoulis et de créneaux, qui rappellent les grandes heures de l’amour courtois. Influencé par la ferveur bâtisseuse de François Ier, j’ai volé au château de Fontainebleau l’habillage de briques et la monumentalité de l’escalier central. Grâce au château, les fermiers alentours ne manquaient pas de travail et profitaient d’une douce sérénité, sans peur du lendemain. Ils vivaient eux-aussi leur propre renaissance. Mes largesses n’étaient pas en cause ; il fallait plus étonnement remercier les losanges ornant ma demeure. Symbole des maçons bourguignons, ils assuraient la générosité des récoltes et la fécondité du bétail.
Cette modeste forteresse reflète ainsi l’état d’esprit d’un homme pris entre deux eaux, entre deux existences : jouir de sa liberté, jusqu’à épuisement de sa moralité, ou couler enfin de verdoyants jours tranquilles, loin des pièges amoureux et des mondanités ? Chez elle en Savoie, Mme B.-W. s’était entourée des plus grands écrivains de France et de Navarre ; elle y tenait salon, pour le bonheur de tous. J’ai eu l’opportunité d’y distribuer nombre de mes vers, de mes griffonnages cinglants ou de mes émouvantes apologies de la paysannerie, sous des pseudonymes aussi farfelus les uns que les autres. Mais ça c’était avant, avant qu’elle n’épouse le politique italien Urbano R...
Alors que les Années folles battaient leur plein, les flammes eurent raison de mon château au bois fleuri, emportant avec elles nombre de détails décoratifs finement choisis. Pourtant, si vous osez braver l’interdit, vous pouvez encore apercevoir sur certaines figures sculptées les inoubliables jolies fossettes de Mme B.-W.
© Photographies par Pierrick Dole. Récit de son exploration sur Dolexplorations.fr
LE PHOTOGRAPHE PIERRICK DOLE
« Et si le présent n’était qu’un outil pour contempler le passé ? »
Originaire du Jura, Pierrick Dole est un jeune photographe-explorateur de 26 ans, résidant désormais en Saône-et-Loire. Dès l’enfance, il est attiré par les lieux et les véhicules abandonnés, mais il pratique vraiment l’urbex depuis environ quatre ans.
N’hésitez pas à voyager sur son site Internet : https://dolexplorations.fr
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L’AUTRICE
Bonjour ! Je suis Lolita Gillet. Éditrice spécialisée en immobilier et études urbaines, je souhaite partager avec vous ces fragments de cultures et de pensées. Soyez libres de réagir, pour enrichir ces modestes chroniques d’une passionnée.
J’ai fait des études artistiques : l’école des beaux-arts de Caen, l’école de dessin Émile Cohl à Lyon, puis je me suis spécialisée dans l’animation au sein de Gobelins, l’école de l’image. Au début, j’étais fascinée par le développement et la fabrication des décors dans les dessins animés. Finalement, j’ai fini par me passionner pour l’animation de personnages. Je travaille sur des films, dans l’animation, depuis maintenant 15 ans et, parallèlement, il m’arrive d’illustrer des livres pour enfants depuis une dizaine d’années.
Je collecte sans arrêt des images de lieux qui me plaisent, m’intriguent ou qui me marquent. Je fais des dossiers à thème selon les styles, les époques, les endroits, ce qui me permet d’y trouver de bonnes pistes d’inspiration. J’utilise principalement Pinterest, qui me redirige alors sur des sites de décoration d’intérieur ou des agences d’architecture. Si j’ai besoin d’imaginer un peu plus précisément l’intérieur d’une maison, je consulte des annonces immobilières. J’y découvre des détails et des informations qui m’aident à caractériser correctement une habitation, ou comprendre le fonctionnement et la disposition des pièces. C’est une mine d’or. J’ai parfois besoin d’en faire des plans pour trouver une certaine logique dans la circulation des lieux où apparaissent mes personnages, et trouver un point de vue, un angle de caméra intéressant ou avantageux.
En général, je me demande si mes dessins correspondent au mieux à l’ambiance que le texte suggère et à l’émotion que je cherche à transmettre : est-ce un lieu inquiétant ou rassurant, douillet ou froid, agressif ou paisible ? Le lieu choisi complète-t-il, soutient-il les ressentis à la lecture ? En même temps, ce lieu ressemble-t-il ou caractérise-t-il mon personnage, en apportant d’autres informations sur son tempérament ? On ne choisit pas au hasard un contexte architectural ; on doit toujours se demander si celui-ci est le plus approprié pour transmettre la bonne émotion, la bonne ambiance. En fait, il faut toujours se soucier de la cohérence afin que le lecteur soit capable de se projeter, de comprendre vaguement la topographie du lieu. Finalement, aucune confusion ne doit gêner la lecture.
Lorsque j’illustre des endroits précis, comme l’intérieur d’une maison au Burkina Faso, au Viêtnam ou au Japon, cela n’est pas forcément simple de trouver la bonne documentation. Je n’ai pas toujours le temps de chercher autant que je le voudrais, pour saisir notamment les codes architecturaux d’une maison japonaise, comprendre les subtilités d’un art de vivre ou d’une culture qui expliquent l’agencement particulier des pièces, la disposition des meubles, etc.
J’essaie autant que possible de ne pas tomber dans le « cliché », de ne pas trahir les origines des lieux représentés, de me questionner sur mon regard trop « occidentalo-centré », tout comme je tente d’être vigilante sur les stéréotypes de genre.
Enfin, je fais attention aux droits liés à la représentation de certains lieux et édifices car, souvent, ils sont protégés. Par exemple, je peux utiliser la structure architecturale du Petit Trianon pour représenter un palais imaginaire, mais en en extirpant certains codes car le résultat ne devra pas ressembler au Petit Trianon.
❝ ON NE CHOISIT PAS AU HASARD UN CONTEXTE ARCHITECTURAL ; ON DOIT TOUJOURS SE DEMANDER SI CELUI-CI EST LE PLUS APPROPRIÉ POUR TRANSMETTRE LA BONNE ÉMOTION, LA BONNE AMBIANCE. ❞
Exactement, l’âge est un facteur que je prends en compte : il m’arrive d’adapter mon style, de simplifier l’image, sans pour autant l’appauvrir. C’est super si je peux embarquer mon petit lecteur dans un lieu, lui apprendre quelque chose d’une architecture ou d’une époque, mais il ne doit pas se sentir perdu non plus.
Parler à un plus jeune public nécessite parfois des formes plus arrondies, moins de détails pour faciliter la lecture. Mais ce qui apparaît comme une contrainte m’entraîne hors de mes zones de confort et devient au contraire un vrai stimulant à l’imagination. Les freins peuvent venir aussi des clients ; je me soumets alors à leurs demandes. Il n’est pas rare que je retravaille un dessin pour que n’importe quel enfant se reconnaisse dans la cuisine de sa maison ou la place d’un village. C’est ainsi parfois difficile d’imposer des choix trop atypiques ou trop audacieux, de sortir des sentiers battus et d’autres stéréotypes.
Alors les décors que j’adore : La Belle au bois dormant de Disney, selon moi le plus abouti et parfait stylistiquement. J’aime ce que l’artiste Eyvind Earle (1916-2000) a introduit dans les films à cette époque. Mais aussi l’ambiance Belle Époque de La Belle et le Clochard et la charmante maison dans Là-Haut (Pixar).
J’apprécie en outre les ambiances colorées du style Mid-Century Modern, les constructions de l’architecte Frank Lloyd Wright (1857-1959)… Le réalisateur Alfred Hitchcock (1899-1980) a bien su les utiliser dans ses films, comme dans La Mort aux trousses.
Pêle-mêle pour les illustrateurs :
❝ J’APPRÉCIE LES AMBIANCES COLORÉES DU STYLE MID-CENTURY MODERN, LES CONSTRUCTIONS DE L’ARCHITECTE FRANK LLOYD WRIGHT. ALFRED HITCHCOCK A BIEN SU LES UTILISER DANS SES FILMS, COMME DANS LA MORT AUX TROUSSES. ❞
En France, l’illustration est plutôt mal utilisée, par comparaison, par exemple, aux pays anglo-saxons où elle s’affiche sans complexe. C’est un peu pareil, je pense, pour le dessin animé 2D traditionnel, que l’on utilise davantage qu’ici pour les publicités. Je trouve également que les couvertures de romans sont soigneusement illustrées avec de belles typographies alors qu’en France, pour le même roman, on préférera souvent une photographie…
C’est encore autre chose si on compare avec le Japon où la culture visuelle, pas seulement celle du manga, y est plus forte. Le « mignon » est partout ; malheureusement, on est plus « sérieux » chez nous. Quel que soit l’endroit – trottoirs, quais de métro, signalétique – l’utilisation du dessin est plus répandue. Au final, je trouve que cela crée une ambiance plus joyeuse.
Chez nous, le travail de l’illustrateur n’est pas assez respecté et valorisé. On considère assez mal l’activité des personnes qui dessinent, dont on pense trop souvent qu’elles n’exercent pas « un vrai métier » et dont on sous-estime le prix de leur labeur… On se tourne alors vers la facilité, vers des illustrateur.trice.s peu expérimenté.e.s, des étudiant.e.s voire des amateur.trice.s parce qu’ils/elles coûtent moins cher. On fait régulièrement appel à eux/elles via des sortes de concours, vus comme des chances d’illustrer une affiche et d’être rétribué.e.s par la belle publicité que cela va soi-disant apporter à leur œuvre… Même de grandes institutions procèdent de cette façon, c’est assez désolant. Affiches de théâtre ou d’évènement, signalétique du métro… la qualité s’en ressent. Mais c’est probablement aussi un manque d’éducation à l’image, aux arts visuels et aux métiers artistiques. Il y aurait beaucoup de choses à faire dans ce sens pour gagner en qualité.
Beaucoup de bâtiments en Asie m’ont marquée. Le pavillon d’argent à Kyoto résume bien à quel point une architecture peut inspirer le calme et l’équilibre, l’harmonie avec le paysage.
La charmante gare dessinée par Frank Lloyd Wright en pleine campagne japonaise à Nikko ainsi que d’autres très belles maisons qu’il a créées à Chicago (dont celle qui illustre cet article) ont vraiment retenu mon attention en raison de leur volume particulier.
J’aime beaucoup les maisons des peintres comme celle de Joaquín Sorolla y Bastida (1863-1923) à Madrid, devenue le Musée Sorolla ; celle de Claude Monet (1840-1926) à Giverny, où l’atelier fait partie de la maison sans en être séparé. Cela me fait rêver !
Et, bien sûr, en tant que normande, le Mont-Saint-Michel en hiver, quand il n’est pas saturé de touristes. C’est un édifice que je ne me lasse pas d’admirer. Une vraie prouesse, un mélange de force et de légèreté qui a su défier le temps.
Enfin, une petite maison en Normandie de style Art nouveau qui m’a toujours fait pensé à celle du lapin d’Alice au Pays des merveilles : La Bluette à Hermanville-sur-Mer, construite par Hector Guimard (1867-1942). Elle a quelque chose de joyeux et de désinvolte, à l’écart des grandes villas balnéaires de l’époque. Je suis sûre qu’elle m’inspirera un jour !
Bibliographie de Caroline Piochon
Iconographie : © Gosia Malochleb by Flickr. River Forest, IL., Frank Lloyd Wright, Historic styles designed by Wright. Licence CC BY-NC 2.0. Photographie reccadrée.
La tour Totem à Paris (XVe), on la connaît comme « le gros cube » du Front de Seine. Comme « cette gigantesque morille de béton », « classée parmi les bâtiments les plus laids de Paris », dixit son résident Florent-Claude Labrouste, personnage principal du roman Sérotonine écrit par Michel Houellebecq (2019). En-dehors de ces vaines dépressions héroïques, pourquoi tant de haine ? Sa situation géographique, sa taille et sa forme semblent attirer les foudres de Satan.
On en revient d’abord à l’éternel adage de l’immobilier : la localisation, la localisation, la localisation. Or, par métonymie, on déteste souvent la tour Totem parce que l’on déteste son emplacement : Front de Seine, quartier Beaugrenelle (XVe), juchée sur une dalle située deux niveaux au-dessus du sol parisien « naturel ». Dans les années 1960-1970, cet urbanisme sur/de dalle, symbole de modernité et de sécurité tant décrié aujourd’hui, repose sur la séparation stricte des lieux pour travailler, habiter et circuler, selon les préceptes de la fameuse Charte d’Athènes (1933).
Après dix ans de conception et d’évolutions, les premiers bâtiments émergent en 1970 : les tours Keller, Seine et Compagnie bancaire (Hachette désormais) voient le jour. En tout, le Front de Seine accueille 20 immeubles de grande hauteur (IGH) indépendants, dont 14 à usage résidentiel (3 de logements locatifs sociaux), 4 à usage de bureaux et 2 hôtels. Pour certains, le quartier Beaugrenelle rappelle celui de Manhattan, d’où son surnom de « Petit New York ».
La tour Totem, édifiée de 1976 à 1979, fait partie de la phase finale d’aménagement de la dalle Beaugrenelle et est implantée au sein de l’ilot Cassiopée-Orion. En effet, René Galy-Dejean (né en 1932), président de la Société d’économie mixte d’équipement et d’aménagement du 15e (Semea 15, devenue PariSeine) sollicite l’agence Andrault & Parat (Anpar, créée en 1957) afin d’« instaurer une diversité d’écriture », selon les mots de Michel Andrault (1926-2020). Jusque-là, les architectes Henry Pottier (1912-2000) et Michel Proux avaient principalement été à l’œuvre sur le Front de Seine.
❝ À BEAUGRENELLE, LA DALLE SUR LAQUELLE LES BÂTIMENTS SONT CONSTRUITS ÉLOIGNE SES HABITANTS DE LA VILLE ET REND LES TOURS INACCESSIBLES, AJOUTANT UNE TOUCHE DE FROIDEUR ET D’HOSTILITÉ À LEUR FORME. LES IMMEUBLES ONT, SEMBLE-T-IL, ÉTÉ POSÉS LÀ, SANS VISION D’ENSEMBLE, SANS COHÉRENCE, SANS ESTHÉTIQUE. ❞
Anne Hildago, Mon combat pour Paris, 2013
Paradoxalement, la tour Totem souffre d’un amalgame avec les autres IGH qui cohabitent avec elle sur la dalle Beaugrenelle. Alors qu’il a été justement conçu pour briser certaines conventions monotones, le projet de Michel Andrault (1926-2020) et de Pierre Parat (1928-2019) devient un emblème, aux yeux des non-initié.e.s (ou de politiques et politicien.ne.s initié.e.s !), de l’architecture verticale des seventies ayant défiguré durablement le paysage parisien. Dix ans plus tard, le célèbre autre monument de rupture qu’est la Pyramide du Louvre attirera les mêmes critiques avec, en plus, un pan complotiste qui court toujours.
La réglementation des IGH impose alors aux architectes une base rétrécie – dite « taille de guêpe » – afin de désolidariser le bâtiment de son support, ce qui favorise la circulation piétonne dans et entre les ilots. L’autre contrainte est la hauteur, que la tour Totem respecte au taquet : maximum 100 mètres et 32 étages. Cet aspect de type « gratte-ciel » représente une autre raison du désamour envers ce bâtiment, alors même que tous les immeubles à usage résidentiel du Front de Seine affichent une telle verticalité à l’américaine. Seules les constructions à usage de bureaux sont plus bas.
Pierre Parat affirmait lui-même ne pas aimer outre-mesure les tours, préférant la forme pyramidale (comme le Palais omnisports de Paris-Bercy, dont il est coauteur). C’est d’ailleurs sans doute pour cela que Galy-Dejean a pensé au duo, certain que les architectes allaient avec conviction s’affranchir des codes et jouer avec les lignes directrices du projet Beaugrenelle tout en s’y conformant. La première liberté prise est le choix de la structure apparente, du squelette à corps ouvert. Il s’agit de fûts porteurs et d’un noyau central en béton où se concentrent les ascenseurs et l’escalier (circulation verticales) et auquel se rattachent en diagonale des cubes de verre en volume le long de la façade, orientés à 45 °.
❝ ET À SES PIEDS SI JE ME SENS ÉCRASÉ, C’EST UNIQUEMENT PAR SA SPLENDEUR, SON MAGNÉTISME, SA MAJESTÉ ; UN « JE-NE-SAIS-QUOI » QUI FAIT D’ELLE LA PLUS BELLE, CELLE DONT L’IMAGE PERSISTE DANS MA MÉMOIRE COMME UN SYMBOLE D’ESTHÉTISME MODERNE. AVEC ELLE, JE FAIS CORPS. ❞
Édouard Lefort, « Top-modèle en scène sur podium », à propos de la tour Totem, blog La façade au carré, 2019
Andrault et Parat s’écartent ainsi du banal mur-rideau. Ils offrent aux deux façades miroir différentes, « tourmentées », de pétillants jeux de lumière variés grâce à l’axe des cubes, groupés par trois niveaux, habillés d’une serrurerie teintée en marron, et aux ouvertures et allèges recouvertes d’un ton doré. L’ensemble extérieur s’apparente à une sculpture, une grappe de raisins ou un arbre fruitier (qui n’est pas sans rappeler les Choux de Créteil) aux allures surréalistes : il n’est donc pas étonnant que la plaquette commerciale de la tour Totem ait été réalisée par l’excentrique Salvador Dalí (1904-1989), accompagnée d’un texte présentant le « Totem des totems ».
La tour Totem est composé de 207 appartements de standing, de 33 m2 à 131 m2 environ, répartis en étoile, reflets des avancées de verre et de la forme octogonale du socle. Ce sont désormais, pour la plupart, des résidences principales. Les 8e, 16e et 24e étages disposent de terrasses de 5 m2 environ. Chaque logement bénéficie d’une double voire une triple orientation ainsi que d’une agréable vue sur la Seine. En témoignent les photographies d’annonces de ventes immobilières – bien que rares ! – trouvées sur le web. Alors que les à-priori sur ces tours non monolithes contribuent à galvauder l’idée que l’aménagement est complexe, les appartements de la tour Totem semblent modulables et optimisés. En effet, par exemple, les façades sont en réalité de faux murs-rideaux dont le nombre d’éléments porteurs est restreint, et sont composées à la fois de pleins et de vides.
En outre, l’intérieur de la tour conserve son vernis original grâce à des restaurations fidèles. Le hall d’origine, accessible par la dalle, est scénographié telle une demeure moderne familiale (murs bleu et vert laqués, rideaux, canapés, carrelage au sol à petits carreaux noirs notamment) agrémentée d’œuvres d’art signées Yvette Vincent-Alleaume (1927-2011). Un second accès, par le quai de Grenelle, a ensuite été ajouté.
L’autre critique attendue est celle du coût important des charges. C’est une réalité, comme pour tout IGH haut de gamme. Et ce d’autant plus que les prix de vente au m2 sont à l’évidence élevés : j’ai ainsi repéré un 3 pièces de 96,1 m2 Carrez situé à l’avant-dernier étage de la tour proposé, fin 2019, à près de 11 500 €/m2, mais avec deux places de parking incluses. Le montant des charges est estimé autour de 650 €/mois.
La rénovation, dans le respect de l’ouvrage initial, peut également constituer un nécessaire fardeau inhérent aux immeubles brutalistes, qui utilisent massivement le béton. Notons par la même occasion que cette caractéristique ne suffit pas pour intégrer ce mouvement, souvent associé aux divers « fiascos architecturaux » de certains HLM, dus surtout à un défaut d’entretien. Les monuments brutalistes doivent inviter à partager une proposition artistique, et obéir à des critères précis.
La tour Totem de Michel Andrault et Pierre Parat est la seule qu’ils aient conçues pour un projet sis Paris intra-muros, et la première au profit d’un promoteur. Les façades et les décors du hall jouissent désormais du label « Architecture contemporaine remarquable ». Achevés en 2017, les travaux engagés sur la dalle Beaugrenelle contribuent sans nul doute à redorer le blason de ce bâtiment grâce au déploiement, notamment, d’espaces de nature en ville. Là encore, le duo légendaire était visionnaire puisqu’il prônait l’introduction de surfaces végétalisées au sein des grands projets urbains.
Pour les curieux
➽ Dossier Référence « La tour Totem, Michel Andrault et Pierre Parat », AMC n° 272, octobre 2018
➽ Éloge de la tour Totem, « Top-modèle en Seine sur podium », blog La façade au carré ou la Chronique d’un promeneur sur l’architecture parisienne
➽ Entretien avec Pierre Parat, 2012
Voir mon tableau Tour Totem sur Pinterest
Iconographie : Tour Totem, ©Julien Chatelain sur Flickr. Licence CC BY-SA 2.0. Photographie recadrée. Canon EOS 450D EF-S18-135mm f/3.5-5.6 IS.
L’AUTRICE
Bonjour ! Je suis Lolita Gillet. Éditrice spécialisée en immobilier et études urbaines, je souhaite partager avec vous ces fragments de cultures et de pensées. Soyez libres de réagir, pour enrichir ces modestes chroniques d’une passionnée.
Les données de cette infographie sont en grande majorité issues d’une étude réalisée par DATA Architectes, Immeubles pour automobiles, à l’occasion d’une exposition au Pavillon de l’Arsenal (2018).
❝ LA GRANDE QUALITÉ DE CES IMMEUBLES POUR AUTOMOBILES, LEUR PRINCIPALE VERTU D’ARCHITECTURES DÉSORMAIS SANS CONTENU, C’EST CETTE ABSENCE DE PROGRAMME, CE CARACTÈRE NEUTRE ET GÉNÉRIQUE QUI PERMET DE LES APPRÉHENDER EN TANT QUE STRUCTURES OUVERTES, CAPABLES, TEL UN « CONTENANT » POSSIBLE, VOIRE IDÉAL, DE L’INDÉCISION PROGRAMMATIQUE ET DE L’ÉVOLUTION PERMANENTE DES USAGES. ❞
DATA Architectes, commissaires scientifiques de l’exposition
Le cabinet DATA Architectes a par ailleurs analysé le potentiel de reconversion de cinq garages/parkings parisiens, chacun représentatif d’une typologie d’immeubles :
◈ garage Saint-Georges (IXe, immeuble traversant de 9 424 m2 en superstructure) ⇛ résidence sociale de 195 lits ;
◈ Neubauer Service Montmartre (XVIIIe, immeuble profond de 18 048 m2 en superstr.) ⇛ immeuble mixte de 100 logements familiaux et un équipement de logistique urbain ;
◈ parking Cardinet (XVIIe, immeuble enclavé de 31 150 m2 en superstr.) ⇛ immeuble mixte de 46 logements familiaux, bureaux et espaces de stockage ;
◈ parking Firmin Gémier (XVIIIe, immeuble long de 4 044 m2 en superstr.) ⇛ immeuble de 27 logements familiaux en duplex ;
◈ parking Renault Paris Étoile (VIIIe, immeuble mixte de 12 852 m2 en superstr.) ⇛ immeuble mixte de 80 logements familiaux et étudiants et d’un équipement.
Les détails des projets ainsi que les plans sont disponibles au sein du catalogue d’exposition et dans le dossier de presse correspondant. Les deux scenarii, démolition/reconstruction et transformation, sont étudiés.
Remarque : le document prend mal en compte, sauf erreur de ma part, la question fondamentale de la dépollution, sans doute nécessaire pour certains sites.
Sources : Immeubles pour automobiles, Pavillon de l’Arsenal, 2018 ; projet de réhabilitation de deux immeubles haussmanniens jumeaux et d’un ancien garage avec parking aérien, actualité du Pavillon de l’Arsenal (février 2018) ; description du projet rue Petit sur le site de Encore Heureux.
Pour les curieux
➽ Immeubles pour automobiles, Pavillon de l’Arsenal, 2018. En libre téléchargement
➽ Dossier de presse de l’exposition « Immeubles pour automobiles. Histoire et transformations » au Pavillon de l’Arsenal du 24 avril 2018 au 02 septembre 2018
Voir mon tableau Garages et parkings parisiens
sur Pinterest
Iconographie : garage Saint-Didier, 12 rue des Sablons, Paris, XVIe, photographie de presse, agence Rol, 1925 ; course de côte, en auto, dans un garage parisien, photographie de presse, agence Mondial, 1933 ; garage de la Compagnie Générale des voitures, rue Cardinet, XVIIe, photographie de presse, agence Rol, 1927 ; Paris, garage de Banville, rue de Courcelles, VIIIe, Lefebvre-Despeaux sur Amilcar, photographie de presse, agence Rol, 26 février 1927 ; garage Saint-Didier, 12 rue des Sablons, Paris, XVIe, photographie de presse, agence Rol, 1925. Source : gallica.bnf.fr / BnF.
Une autre arme de lutte contre l’étalement urbain : les tours résidentielles en péricentre des villes, en lieu et place des friches urbaines
L’AUTRICE
Bonjour ! Je suis Lolita Gillet. Éditrice spécialisée en immobilier et études urbaines, je souhaite partager avec vous ces fragments de cultures et de pensées. Soyez libres de réagir, pour enrichir ces modestes chroniques d’une passionnée.
Danièle Voldman et Annette Wieviorka sont historiennes et directrices de recherche au CNRS. Danièle Voldman s’engage sur les questions socio-urbaines contemporaines, liées notamment aux classes dites populaires et au genre. Quant à Annette Wieviorka, elle a publié, entre autres, sur la Shoah et s’intéresse également à la condition féminine.
Documentaire (publié en 2019)
Contraception ; avortement ; justice ; Planning familial ; lois Neuwirth et Veil
Les Bac forment un modeste couple ordinaire. Leur double tragédie, dépression de Ginette – cinq enfants en cinq ans – et mort de leur bébé faute de soins, passe d’abord presque inaperçue. Grâce aux actions médiatisées de la gynécologue M.-A. Lagroua Weill-Hallé, ce fait divers se mue en fait politico-social. Le débat sur le contrôle des naissances est relancé.
➽ S’émouvoir, à travers l’histoire des Bac, de la condition féminine ouvrière au milieu du XXe siècle.
➽ Comprendre l’importance de ce drame méconnu dans la naissance du Planning familial et dans le vote des lois Neuwirth (1967) et Veil (1975). La dépénalisation de l’avortement aurait été impossible sans la légalisation de la contraception.
➽ Appréhender le parcours étonnant de Marie-André Lagroua Weill-Hallé, doctoresse d’abord choquée par « tant d’effort d’un gynécologue pour le simple refus de la maternité » (en référence à Abraham Stone, grâce à qui elle découvre notamment le diaphragme contraceptif).
❝ Affaire Ginette : la lente gangrène d’une loi féminicide ❞
Sommaire
⧬ Une jeune femme malade d’épuisement maternel
⧬ De la réclusion des époux Bac…
⧬ … à la condamnation de la loi de 1920
Iconographie : éditions Seuil ; The Miriam and Ira D. Wallach Division of Art, Prints and Photographs: Photography Collection, The New York Public Library. (1939). Pregnant woman, the daughter of a migrant family. Imperial Valley, California
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