Cendres et fumées de mon château rêvé nivernais

C’est avec ce château bariolé aux allures féodales orangées que j’inaugure ma nouvelle rubrique, « Trésors cachés abandonnés », en partenariat avec l’explorateur Pierrick Dole. Je laisse la parole, imaginée, de son commanditaire, parti trop tôt. À croire que l’œuvre n’a pas survécu à son maître fantasque.
Ah, malheureuse guerre ! Ah, diable de Napoléon ! 
La grande faucheuse a décidément choisi son camp. 
Ce 12 août 1870, je suis tombé sur le champ de bataille sans avoir vu achevée la garçonnière de mes rêves, qui devait se muer en demeure du bon repos, une fois ma vigueur définitivement enterrée.
Cinq ans plus tôt est ainsi né le château de sa seigneurie, en pleine forêt enchanteresse, sur les terres de mes illustres aïeux.  
Si je dois à leurs prouesses matrimoniales mon aisance financière, seule ma ténacité intellectuelle explique ma verve légendaire voire même une certaine virtuosité littéraire.
 
Enfin, pas exactement. 

Je suis tenu d’avouer – une fois n’est pas coutume, pour un avocat ! – lautre noble origine de mes bons mots mais aussi de cette demeure : Mme B.-W., dont je tais le nom tant son souvenir est encore piquant. 
À l’image de toutes ces ronces et épines qui transpercent désormais mon château de la Renaissance.
Le propre, d’ailleurs, d’une renaissance est de marquer un pas vers l’avenir, sans véritablement se défaire du passé. 
Poursuivant mes inspirations médiévales, j’ai ainsi doté cette modeste forteresse de tours, agrémentées de mâchicoulis et de créneaux, qui rappellent les grandes heures de l’amour courtois. 
Influencé par la ferveur bâtisseuse de François Ier, j’ai volé au château de Fontainebleau l’habillage de briques et la monumentalité de l’escalier central.

Grâce au château, les fermiers alentours ne manquaient pas de travail et profitaient d’une douce sérénité, sans peur du lendemain. Ils vivaient eux-aussi leur propre renaissance. Mes largesses n’étaient pas en cause ; il fallait plus étonnement remercier les losanges ornant ma demeure. Symbole des maçons bourguignons, ils assuraient la générosité des récoltes et la fécondité du bétail.
Cette modeste forteresse reflète ainsi l’état d’esprit d’un homme pris entre deux eaux, entre deux existences : jouir de sa liberté, jusqu’à épuisement de sa moralité, ou couler enfin de verdoyants jours tranquilles, loin des pièges amoureux et des mondanités ?

Chez elle en Savoie, Mme B.-W. s’était entourée des plus grands écrivains de France et de Navarre ; elle y tenait salon, pour le bonheur de tous. J’ai eu l’opportunité d’y distribuer nombre de mes vers, de mes griffonnages cinglants ou de mes émouvantes apologies de la paysannerie, sous des pseudonymes aussi farfelus les uns que les autres. Mais ça c’était avant, avant qu’elle n’épouse le politique italien Urbano R...
Alors que les Années folles battaient leur plein, les flammes eurent raison de mon château au bois fleuri, emportant avec elles nombre de détails décoratifs finement choisis. Pourtant, si vous osez braver l’interdit, vous pouvez encore apercevoir sur certaines figures sculptées les inoubliables jolies fossettes de Mme B.-W.

© Photographies par Pierrick Dole. Récit de son exploration sur Dolexplorations.fr

LE PHOTOGRAPHE PIERRICK DOLE
« Et si le présent n’était qu’un outil pour contempler le passé ? »
Originaire du Jura, Pierrick Dole est un jeune photographe-explorateur de 26 ans, résidant désormais en Saône-et-Loire. Dès l’enfance, il est attiré par les lieux et les véhicules abandonnés, mais il pratique vraiment l’urbex depuis environ quatre ans.
N’hésitez pas à voyager sur son site Internet : https://dolexplorations.fr

Envie de lire d’autres récits durbex ?
Découvrez le théâtre Atlantis, avec Dimitri Bourriau

L’AUTRICE
Bonjour ! Je suis Lolita Gillet. Éditrice spécialisée en immobilier et études urbaines, je souhaite partager avec vous ces fragments de cultures et de pensées. Soyez libres de réagir, pour enrichir ces modestes chroniques d’une passionnée.

Un commentaire sur “Cendres et fumées de mon château rêvé nivernais

  1. Ping : Atlantis, un théâtre entre le ciel et l’eau – Les miscellanées de l’immobilier

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :