Des chiffonniers bannis aux designers inspirés : le saut des puces de Saint-Ouen

Les chiffonniers, premiers à investir les puces de Saint-Ouen devenues un lieu phare du tourisme et du design
GRAND PARIS – Paris Puces fait partie des projets lauréats de la 2e édition « Inventons la Métropole du Grand Paris ». Explorez ainsi les récentes mutations des quartiers des portes de Saint-Ouen et de Clignancourt, dont le marché est désormais vu comme une bête curieuse, après avoir redécouvert en images les étals banals de ses premiers occupants. 

Chiner ou flâner ? Tel est le dilemme qui anime le célèbre marché aux puces de Saint-Ouen. Conserver son authenticité au profit des « vrais acheteurs » ou entretenir un art du pittoresque pour attirer toujours plus de touristes ? L’un empêche-t-il vraiment l’autre ?

Paris Puces, qui devrait voir le jour porte de Clignancourt en 2023, pourrait être le projet de la réconciliation entre les puciers, les investisseurs, la municipalité de Saint-Ouen, la ville de Paris, la Métropole du Grand Paris, les curieux venus du monde en entier et les Parisiens eux-mêmes. Pour mieux en comprendre les enjeux, voyons (en images et en infographie) comment nous sommes passés des terres des chiffonniers aux terrains de jeu des rêveurs et de personnalités.

L’origine : les chiffonniers derrière les fortifications

On doit la naissance du marché aux puces de Saint-Ouen et de Clignancourt à Eugène Poubelle (1831-1907). En effet, à la fin du XIXe siècle, ce préfet de la Seine (1883-1896) prend des arrêtés concernant la gestion des ordures à Paris, qui ont pour effet de pousser les chiffonniers derrière les fortifications. Ces derniers installent alors leur habitat de fortune dans la plaine des Malassis en particulier, terrain vague inconstructible à l’orée de Saint-Ouen. À partir de 1891, tout marchand exerçant son activité sur l’avenue Michelet, le dimanche, doit verser à la municipalité un droit de stationnement.

Les marchés en tant que tels se développent ensuite grâce au rachat de terrains par des petits malins qui ont flairé le filon : ils les aménagent pour les louer aux commerçants. La porte de Clignancourt n’est pas en reste, puisqu’en 1922 les chiffonniers sont autorisés à investir des terrains militaires, situés cette fois à l’avant des barrières.

Entre destination touristique et tiers-lieu des Parisiens

Histoire et chronologie des marchés aux puces de Saint-Ouen, lieu de tourisme et de design international

Cette chronologie montre le développement des marchés, jusque récemment. Elle souligne surtout les tensions entre préservation du patrimoine commercial et culturel, investissement par des capitaux internationaux, ouverture touristique, séduction des Parisiens en recherche de nouvelles activités sociales. Rappelons à cet égard que le jazz manouche est né aux Puces !

Longtemps territoire relativement préservé, presque hors du temps, les Puces doivent s’adapter à cette notion d’expérience, comme désormais tout espace commercial (physique ou virtuel). Si certains puciers ont bien compris la nécessité de la mise en scène pour attirer le chaland (Julien Cohen en tête !), certains peinent encore à se renouveler, voire ne le souhaitent pas, considérant que la balade onirique ne draine pas le véritable acheteur. Plusieurs fois j’ai d’ailleurs surpris des bribes de conversation entre brocanteurs, évoquant leurs difficultés à capter le bon client. En outre, pour les hôteliers et les restaurateurs aussi, il faut trouver l’équilibre entre culture française, authenticité (recherchée des touristes) et adaptation, modernisation.

Inscrit en face des Puces, porte de Clignancourt, Paris Puces (Legendre Immobilier et la SEM Paris Seine) pourrait contribuer à marier ces intérêts parfois antagonistes. Le projet a en effet pour vocation de devenir la place tournante des étudiants, des visiteurs (collectionneurs comme simples curieux), des professionnels de l’antiquité et du design, des artistes. Sont ainsi prévus : ateliers d’artisanat, coliving, coworking, centre de conférences, cantine, restaurant gastronomique, potager sur les toits. Mais la pierre angulaire en est une école des antiquaires, où les puciers eux-mêmes pourraient y jouer un rôle majeur. Les contours de l’enseignement et de la structure ne sont pas encore bien définis, mais je crois en l’intelligence des acteurs locaux pour trouver la formule magique qui réunira tout ce beau monde dans le partage des connaissances et des compétences.

Pour les curieux

Voir mon tableau Puces de Saint-Ouen sur Pinterest

Iconographie : Source gallica.bnf.fr/BnF. Agence Rol. Photographies de presse.

L’AUTRICE
Bonjour ! Je suis Lolita Gillet. Éditrice spécialisée en immobilier et études urbaines, je souhaite partager avec vous ces fragments de cultures et de pensées. Soyez libres de réagir, pour enrichir ces modestes chroniques d’une passionnée.

Un commentaire sur “Des chiffonniers bannis aux designers inspirés : le saut des puces de Saint-Ouen

  1. Très intéressant documentaire sur ses vies de misère qui ont fait place à des vies plus opulentes mais toutes aussi passionnantes de notre société actuelle.
    J’attends avec bonheur d’autres documentaires, qui, par le contenu et par le talent d’écriture de Lolita Gillet, nous accrochent avec délectation !

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