Une mosaïque sur la pierre d'hier et d'aujourd'hui
Voici quelques pistes de réflexion issues d’une étude de 2017 qui explore l’impact de l’expérience vécue par les acquéreurs d’un bien résidentiel en VEFA* sur leur (in)satisfaction. À partir d’une enquête terrain auprès de clients investisseurs et utilisateurs (résidence principale), elle insiste sur l’importance de l’intensité émotionnelle dans la satisfaction « relationnelle » le long du tunnel de vente, à priori trop souvent négligée des promoteurs.
Florence Jacob, Fabrice Larceneux et Valérie Renaudin, trois chercheurs spécialisés en marketing et/ou en immobilier, ont relevé la notion de « gap émotionnel » existant entre les promoteurs et les acheteurs. Il serait à l’origine de leur insatisfaction.
Tout achat immobilier représente un lourd engagement, aussi bien financier, social qu’affectif. Ainsi, les auteurs distinguent deux types de satisfaction client : la satisfaction transactionnelle et la satisfaction relationnelle.
La satisfaction transactionnelle s’attache à répondre aux attentes des acheteurs. Dans notre cas, il s’agit de satisfaire un besoin primaire. Cette rationalité de l’achat est bien souvent surestimée, surtout dans le cadre d’une VEFA* car le client n’a pas de contact direct avec son produit « commandé » et personnalisé, qu’il recevra dans plusieurs mois voire années. Et ce malgré les services de visualisation, notamment, proposés par les promoteurs. En revanche, les « coups de cœur » et autres expressions liées aux sensations, au bien-être sont, logiquement, davantage reliés à l’immobilier ancien. Le parcours client en VEFA* est donc généralement centré sur le pragmatisme et l’utilité, en distinguant peu le profil investisseurs de celui utilisateurs.
Quant à la satisfaction relationnelle, elle s’intéresse au regard porté par le consommateur sur la société de promotion, à travers la qualité de l’expérience ressentie. Elle est apparemment souvent délaissée puisque, à tort, la fidélisation ne serait pas une problématique essentielle. Peu de clients s’offriraient à plusieurs reprises un appartement neuf. C’est pourtant là que le bât blesse. Non seulement un investisseur pourrait tout à fait accorder sa confiance à un promoteur pour ses prochains biens, mais un individu qui achète pour habiter peut aussi devenir, à moyen ou à long terme, un investisseur.
Tous les deux expriment leurs griefs éventuels en particulier sur les réseaux sociaux, mécontentement qui influe sur l’image de l’entreprise et par ricochets sur les intentions d’achat de ceux qui les écoutent/lisent. La qualité relationnelle apparaît ainsi comme fondamentale, dans la mesure où les intermédiaires du promoteur représentent la réalité, le tangible, dans un processus marqué par la projection et une certaine incertitude.
Pour leur enquête, les chercheurs ont interrogé 5 investisseurs et 7 acheteurs de leur résidence principale sur les 8 phases du parcours client préalablement définies.
Les personnes interviewées ont ensuite noté, sur 10 points, l’importance accordée à chaque étape ainsi que leur satisfaction pour chacune d’entre elles. Puis, les chercheurs ont analysé leur récit pour dégager 5 variables expérientielles, cotées de -2 à +2 en fonction du degré de négativité ou de positivité du vécu.
L’émotionnel issu de l’expérience est ensuite ramifié en 8 émotions notées soit 0 soit 1 selon la présence ou l’absence de la sensation en question.
PHASES | expériences | ÉMOTIONS |
---|---|---|
1. Prise d’informations | Cognitif1 | Colère |
2. Contact | Émotionnel | Peur |
3. Étude du financement | Physique2 | Tristesse |
4. Rendez-vous commercial | Sensoriel | Honte |
5. Phase expectative | Social3 | Sérénité |
6. Pré-visite | Plaisir | |
7. Remise des clés | Amour | |
8. Emménagement et SAV | Fierté |
D’abord, les individus questionnés considèrent chacune des étapes évoquées ci-dessus comme essentielle, tandis que leur satisfaction moyenne est peu élevée (5,4). Cela confirme d’une part que l’importance des phases est peu corrélée au niveau de (mé)contentement et, d’autre part, cette constatation rejoint l’idée que la satisfaction n’est pas assez prise en compte par les professionnels. En revanche, c’est la nécessité d’agir et de prendre des décisions qui justifie le poids des étapes aux yeux des clients.
Par ailleurs, il existe un parallélisme flagrant entre l’intensité de l’émotion perçue et le degré de satisfaction décrit, degré en chute pendant le temps plus ou moins long de la transaction et de la construction.
Quant au podium des sensations les plus régulièrement perçues à travers les verbatim, il est le suivant : la colère (plus de 40 % des cas), la sérénité (26 %), la peur, le plaisir, la tristesse, l’humiliation, la fierté et l’amour. Le plus étonnant sans doute réside dans le fait que ce n’est pas le type d’émotion qui influe directement sur la satisfaction mais bien l’intensité ressentie.
En outre, à priori, investisseurs et utilisateurs déclarent des niveaux similaires de satisfaction au cours des étapes du tunnel de vente. Mais les auteurs reconnaissent que l’étude des éléments émotionnels de différenciation entre ces deux profils doit être poursuivie. Si l’investisseur accorde une plus grande importance aux outils de projection, il est également extrêmement soumis à la puissance de ses émotions.
L’achat d’un bien résidentiel neuf ne serait donc pas si rationnel. De même, l’investisseur ne serait pas autant guidé par des principes de rentabilité. À suivre !
* Vente en l’état futur d’achèvement.
Iconographie : Gravure issue de Caractères des passions, de Charles Lebrun, XVIIe siècle. Collection BIU Santé Médecine. Image recadrée.
L’AUTRICE
Bonjour ! Je suis Lolita Gillet. Éditrice spécialisée en immobilier et études urbaines, je souhaite partager avec vous ces fragments de cultures et de pensées. Soyez libres de réagir, pour enrichir ces modestes chroniques d’une passionnée.
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